Source: BBC News

Le féminisme veut dire renverser le patriarcat, qui renvoie à l’idée selon laquelle le pouvoir de déterminer comment marche la société est détenu par les hommes.

 

Cette définition est d’Aminata Mbengue, psychologue clinicienne et féministe sénégalaise. “Etre féministe a été une libération pour moi. C’est une thérapie malgré toute la violence que l’on se prend au quotidien”, dit-elle. Elle soutient que le féminisme lui a ouvert les yeux sur “la réalité de la domination masculine, et ses conséquences sur la vie des femmes notamment le contrôle sur leurs corps.” “Cette prise de conscience nous donne envie de changer les choses, ça nous donne des outils pour la combattre”, ajoute-t-elle.

Toutefois, le féminisme est un terme qui suscite des débats et qui n’est pas universellement adopté par toutes les femmes.

Fatou Diome a une explication simple: “Le féminisme cesse d’être une question à partir du moment où vous avez le courage de mener la vie que vous avez choisi” dit-elle dans une interview sur le CIRTEF (Conseil International des Radios-Télévisions d’Expression Française) en 2015.

L’écrivaine sénégalaise est connue pour avoir traité de la condition des femmes rurales du Sénégal dans certaines de ses œuvres comme “Celles qui attendent” (éd. Flammarion, 2018), sans pour autant se définir comme féministe.

Le mot peut également être “chargé de négativité et à connotation péjorative au Sénégal par exemple” selon l’écrivaine féministe sénégalaise Ndeye Fatou Kane qui a publié un essai intitulé “Vous avez dit féministe?” (éd. Harmattan Sénégal, 2018).

Mais cela évolue.

Richine Masengo nous raconte qu’il y a dix ans les militantes congolaises étaient vues comme des “déviantes, des femmes sans morale, des personnes qui cherchent à copier les manières de faire de l’Occident et détruire les cultures et traditions qui sont propres au Congo.”

Cette activiste des droits humains congolaise est la directrice exécutive de l’ONG “Si jeunesse savait”.

Aujourd’hui en RDC, poursuit-elle, le féminisme est compris comme “ces femmes-là qui luttent pour l’égalité entre l’homme et la femme, mais qui ne détestent pas les hommes.”

Elle explique qu’à ses débuts elle ne connaissait même pas le mot féminisme. Elle l’entendra la première fois de la bouche d’une de ses cousines qui lui recommandait de s'engager dans une organisation partageant ses idées.
Pour elle, le féminisme est devenu une démarche, une volonté de vouloir revendiquer l’égalité entre les Hommes.

“Je suis née féministe, c’est juste qu’à un moment j’ai pu rallier le concept à ma philosophie et ma façon d’envisager le monde, de concevoir les droits humains, les droits des femmes”, dit l’activiste. Elle cite la congolaise Françoise Mukuku et la nigériane Chimamanda Adichie comme ses modèles absolues.

Meganne Boho, activiste féministe, membre fondatrice de la “Ligue ivoirienne des droits des femmes”, s’identifie comme féministe car elle estime faire partie d’une génération “qui porte comme un sacerdoce une lutte qui vient avec son lot d’épines et de victoires face à une société qui peine à aller vers la déconstruction de la mentalité qui place l’homme tout puissant au-dessus d’une femme faible et sans défense.”

Meganne Boho rappelle que l’article 1 de la Déclaration Universelle des Droits Humains stipule que tous les êtres humains sont libres et égaux.

“Lorsqu’on regarde nos sociétés, nous nous rendons compte que depuis des siècles, un système a été mis en place pour reléguer la femme au second plan la privant des droits cités dans cette même déclaration”, dit-elle.

Elle donne l’exemple des postes de décisions qui sont majoritairement occupés par des hommes “parce que les femmes sont trop émotives et sensibles prendre certaines décisions.”

“On sort souvent ce genre de phrases aux femmes: sur le papier, vous avez l’expérience et les diplômes pour occuper ce poste à responsabilité; mais je me demande si vous avez assez de poigne pour diriger une équipe d’hommes chevronnés. Si je nomme une femme à ce poste, je veux que ça soit un vrai mec sans états d’âme, en fait” poursuit-elle.

“Notre défi majeur, c’est d’arriver à déconstruire les idées préconçues sur la femme afin de faire changer les mentalités et faire plier le patriarcat pour atteindre un monde plus égalitaire”, conclut-elle.

Reyhanath Toure Mamadou explique son engagement féministe par l’impératif de lutter contre des représentations sexistes du corps des femmes entre autres.

“Hier encore on discutait d’une publicité d’une bouteille de champagne qui montrait les fesses d’une femme, et le champagne qui les traversait. C’est assez sexiste comme communication”, dit cette féministe togolaise.

Cet engagement implique que dans le quotidien de “chaque acte, activité, initiative doit être vue sous les loupes du genre, du féminisme, avec les yeux de quelqu’un qui veut que les inégalités de sexe puissent disparaître”, explique-t-elle.

Quel rôle pour les hommes?
Dans ses chroniques sur un journal local et sur ses réseaux sociaux, le journaliste et chroniqueur sénégalais Paap Seen n’hésite pas à prendre position sur les questions d’égalité entre les genres et les violences sexuelles et sexistes.

Il dit s’être beaucoup interrogé, pendant ses chroniques, sur les conditions des femmes au Sénégal et en Afrique.

En effet, dans un de ses textes intitulé “Le chapitre féminin”, il se penche sur “le statut social des femmes, ainsi que les représentations féodales qu’elles subissent justifient, en grande partie, notre retard économique et politique. C’est une masculinité nocive.”

Il dénonce ce qu’il appelle “un modèle d’hommes hyper-puissants, archaïques de la société sénégalaise qui dessert l’intérêt général.”

Influencé par la lecture précoce de Simone de Beauvoir et surtout la défunte prix Nobel de la Paix, la kényane Wangarī Maathai, il tente de s’ériger contre “le sexisme, la misogynie et les inégalités sociales de genre qui caractérisent la société sénégalaise.”

Pour Paap, c’est cela le féminisme.

Certaines femmes pensent que les hommes ne peuvent pas être féministes. Ils peuvent plutôt être pro-féministes, ou alliés des féministes.

Ræve se dit pro-féminisme. Il fut un temps où il se déclarait féministe dit-il, “jusqu’à ce que des féministes que je côtoie m’ont expliqué en quoi c’était impropre de me qualifier ainsi. Elles m’ont aussi expliqué la notion d’alliés du féminisme mais que c’est aux féministes elles-mêmes d’en identifier ou désigner.”

Cet enseignant en droit à l’Université de Nantes et musicien d’origine sénégalaise voit le féminisme tel un mouvement portant la quête d’une égalité réelle entre les hommes et les femmes, en droits et en dignité.

“Je dis quête dans le sens d’une recherche parce qu’il ne vous aura pas échappé que cela fait longtemps que ça dure. Malgré les avancées il reste beaucoup à conquérir. Je dis “égalité réelle” car très souvent les déclarations de principe ont promis beaucoup de choses sans que cela se traduise par des droits concrets”, précise-t-il.

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