Source: RFI

Avec en moyenne sept enfants par femme, le Niger détient le taux de fécondité le plus élevé au monde. Mais les autorités se passeraient bien de ce record du monde et viennent de créer l’Office Nigérien de la Population. Objectif: contrôler les naissances et donner à chacun une plus grande part des fruits de la croissance.

Quelle est la stratégie du pouvoir de Niamey? Comment fait-il face aux blocages culturels et religieux?

[Retranscription de l’interview avec Illiassou Idi Maïnassara, médecin et ministre nigérien de la Santé et de la Population]

Journaliste: Voilà 40 ans que l’Etat du Niger essaie de mener une politique de contrôle des naissances, mais cela ne marche pas. Qu’est-ce qui peut changer avec l’Office Nigérien de la Population?

Illiassou Idi Maïnassara: Avec l’avènement de l’Office Nigérien de la Population, à partir du moment où le diagnostic a été fait sur les différents facteurs - il y a le mariage précoce des jeunes filles, le non maintien de la jeune fille à l’école jusqu’à 18 ans - je pense que les choses sont en train d’être remises sur les rails. En fait, ce sont des facteurs qui ont contribué à l’augmentation de la natalité, mais également à l’augmentation du taux de fécondité. Vous prenez une femme de moins de 40 ans au Niger, elle peut avoir 10 à 12 enfants. Et le mariage précoce est d’actualité au Niger, l’âge moyen est de 12 ans à plus.

Et vous dites que, si les jeunes filles restent à l’école jusqu’à 18 ou 20 ans, elles éviteront deux ou trois grossesses dans leur vie?

Oui, on peut réduire le nombre de grossesses. Et tout récemment, à l’occasion d’un symposium, que le président de la République a présidé, les chefs traditionnels eux-mêmes se sont engagés à ne plus prendre une fille de moins de 18 ans comme épouse.

Pour maintenir les jeunes filles à l’école jusqu’à la fin du collège, c’est-à-dire jusqu’à l’âge de 18 ans, je crois que vous voulez construire des internats pour les jeunes filles. Mais qu’est-ce qui vous garantit que les parents de la jeune fille vont accepter que celle-ci quitte son village pour aller en internat?

Mais absolument. Avec la création de nouveaux internats de jeunes filles, il y a un engouement. Et aujourd’hui, tous les internats créés pour les jeunes filles accueillent des jeunes filles, il n’y a pas eu de réticence. Elles sont prises en charge à 100% par l’Etat. Elles étudient et c’est un engagement pris par le président de la République. La construction de ces internats va s’étendre dans pratiquement toutes les zones. Aujourd’hui, on a des difficultés à augmenter le taux de fréquentation des jeunes filles à l’école.

Mais tout de même, n’y a-t-il pas des résistances culturelles ou religieuses de la part de certains parents, de certains chefs traditionnels, de certains marabouts qui se montrent hostiles à l’éducation des jeunes femmes?

Non. On n’a pas ce problème ici au Niger, à partir du moment où ces chefs traditionnels sont engagés. Il y a des stratégies qui ont été mises en place, qui ont eu à sensibiliser ces chefs traditionnels. Et aujourd’hui, les chefs traditionnels nous accompagnent.

Mais quand il y a un prêche religieux dans tel ou tel village, de telle ou telle région, qui s’oppose à la scolarisation des jeunes filles, comment faites- vous face?

Ca, c’est un courant, ce sont des tendances. Mais malgré cela, la sensibilisation continue. Ces tendances, ce n’est pas seulement au Niger. Il y a beaucoup de pays musulmans où il y a toujours des tendances, où il y a des gens qui pensent que la scolarisation, pas seulement de la jeune fille, est du haram. Mais il faut continuer la sensibilisation, même s’il y a des tendances qui pensent que scolariser quelqu’un constitue du haram. Il faut sensibiliser.

C’est quoi le haram?

Haram, dans leur entendement, veut dire quelque chose qui n’est pas bon, qui n’est pas accepté par la religion. Or, il n’y a aucune religion qui dit qu’éduquer quelqu’un, c’est du haram. Il faut sensibiliser, il faut les impliquer dans la sensibilisation.

Et c’est pourquoi, en novembre 2021, avec l’aide du Fonds des Nations Unies pour les Populations (FNUAP), vous avez réuni tous les grands chefs traditionnels du pays?

Tous les chefs traditionnels du Niger, que ce soit les chefs de canton, les sultans, tous les leaders du Niger et même des autres pays musulmans qui étaient venus de l’Egypte, du Liban … En tous cas, pratiquement tous les chefs coutumiers, les chefs religieux, ont compris l’importance de bannir le mariage précoce. Egalement, il y a des stratégies innovantes qui ont été expérimentées ailleurs, dans d’ailleurs beaucoup de pays musulmans, et qui ont permis d'avoir des résultats satisfaisants. C’est pour cela que je vous dis que c’est un processus de longue haleine et on va apprécier les résultats.

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